L’Express

Mort d’Alexeï Navalny : « La Russie de Poutine est devenue sans limite »

Photo fournie par le tribunal du district de Babushkinsky, le 12 février 2021, de l'opposant russe Alexeï Navalny au tribunal de Moscou




Après avoir été emprisonné 1 124 jours, l’opposant politique Alexeï Navalny est mort ce 16 février, dans une colonie pénitentiaire de la région de Yamalo-Nenetsie, au fin fond du cercle polaire russe où il avait été transféré en décembre dernier. Si les circonstances de son décès sont peu claires, les conditions de vie extrêmement difficiles dans lesquelles il vivait avaient altéré sa santé.Andreï Soldatov, journaliste russe en exil en Angleterre, expert des services secrets russes et fondateur du site Argentura, voit dans la mort de Navalny le symptôme d’un pouvoir n’ayant plus aucune limite. Entretien.L’Express : Depuis le retour d’Alexeï Navalny en Russie en 2021, sa mort était-elle inévitable ?Andreï Soldatov : Oui, il me semble. Pour le Kremlin, l’idée était de rendre ses conditions de vie horribles, des conditions dans lesquelles il était impossible de survivre. Il s’agissait, en quelque sorte, de le torturer jusqu’à la mort. Navalny continuait tout de même d’être actif, grâce à ses équipes, sur les réseaux sociaux. C’était sa manière de répondre, ce qui incitait le Kremlin à renforcer la pression sur lui. A la fin, Navalny n’avait pratiquement plus aucune communication avec le monde extérieur. Le Kremlin attaquait directement ses avocats, pour le réduire complètement au silence, et le transférait sans cesse à l’isolement. Tout cela faisait partie d’une même stratégie : éteindre Navalny.Toutefois, sa mort représente un choc. Nous espérons toujours que Poutine ne fera jamais tout ce dont il est capable. En 2015 déjà, lorsque Boris Nemtsov a été assassiné, personne ne croyait que le pouvoir pouvait aller jusqu’à tuer un ancien député et un ex-Premier ministre. Mais depuis la guerre en Ukraine, Poutine n’a plus de limites : la mort de chaque opposant fait partie de la logique implacable de son règne.Après l’annonce de sa mort, estimez-vous qu’un soulèvement de la population est encore possible ?C’est peu probable, étant donné qu’en Russie, la moindre manifestation est devenue interdite. A chaque fois, les autorités invoquent, de manière hypocrite, le Covid-19 pour interdire tout rassemblement. Malheureusement, ce qu’il s’était produit en 2015, lors des funérailles de Boris Nemtsov, n’aura pas lieu : les gens s’étaient réunis spontanément sur la Place rouge et devant le Kremlin.Il faudra observer, dans les prochains jours, comment seront organisées les funérailles de Navalny. Le type de cérémonie, ouverte au public ou non ; l’emplacement de sa tombe, sont des questions très politiques que le Kremlin va prendre extrêmement au sérieux. Son but est de tout faire pour que les gens ne se rassemblent pas lors de ses funérailles, ou à l’endroit où il reposera.A quelques semaines de l’élection présidentielle en Russie, qui se tiendra le 15 mars, la mort de Navalny renforce-t-elle Poutine ?Dans l’immédiat, la mort de Navalny ne peut que profiter à Poutine. Cet événement ne peut être dissocié de l’élection présidentielle qui arrive. Le Kremlin pense que des bouleversements politiques peuvent se produire à n’importe quel moment, surtout en période de guerre. C’est pour cela qu’il est si paranoïaque à chaque élection.Quand on tue quelqu’un rapidement, cela crée des remous dans la société. Mais quand un homme est tué au bout de presque de trois ans, c’est un message bien plus terrible envoyé à la population, car en Russie, tout le monde se souvient des goulags de l’Union soviétique. C’est un traumatisme qui est toujours présent dans la société. Or, Vladimir Poutine excelle en matière d’intimidation, c’est pour cela qu’il a, d’une certaine façon, réhabilité le goulag. Le message est le suivant : « vous serez enterré vivant, très loin de chez vous et dans d’horribles conditions ». Désormais, dès qu’une personne menace le pouvoir, nous avons l’impression que c’est là-bas qu’elle finira.La Russie se transforme-t-elle en un régime totalitaire ?C’est ce qu’on craint tous. La répression s’intensifie terriblement, et Poutine a en main tous les outils nécessaires pour achever de mettre en place un tel régime.Que représente la mort de Navalny pour le reste de l’opposition russe ?C’est psychologiquement très dur. Navalny était la figure de proue de l’opposition russe, tant pour ceux qui vivent en Russie que pour ceux qui se sont exilés. Il était une sorte guide, de référence. C’était quelqu’un de très optimiste et de motivant. Sa mort, aujourd’hui, crée de la confusion chez les personnes qui font partie de l’opposition. Elle va anéantir chez beaucoup les espoirs de changements politiques dans le pays.Les autres prisonniers politiques, comme Vladimir Kara-Murza, condamné à 25 ans de prison, connaîtront le même sort ?Pour eux, la mort de Navalny représente une énième alerte sur le fait qu’ils sont dans une situation très dangereuse. Ils sont clairement la prochaine cible, le message qu’on leur adresse est qu’ils doivent se taire.



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Publish date : 2024-02-16 19:11:05

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