L’Express

Européennes : ces divergences de fond qui subsistent entre les partis d’extrême droite

Marine Le Pen (d), cheffe de file de l'extrême droite française et Matteo Salvini, le 17 septembre 2023 à Pontida, dans le nord de l'Italie




La scène aura démontré, une fois de plus, combien les partis d’extrême droite du Vieux Continent ne se font pas de cadeaux entre eux, contrairement à d’autres familles politiques. Lors d’un rassemblement de la Ligue de son ami Matteo Salvini pour les élections européennes de début juin, le 23 mars, Marine Le Pen n’a pas hésité à interpeller l’actuelle dirigeante italienne, Giorgia Meloni. « Mme la Première ministre, allez-vous, oui ou non, soutenir un second mandat de Mme von der Leyen [NDLR : présidente de la Commission, issue de la droite] ? », a lancé dans un message vidéo la figure de proue du Rassemblement national.Alors que leur progression s’annonce comme la plus importante des élections européennes, les mouvements nationaux-populistes pourraient se révéler incapables de capitaliser sur leur succès. Mais il ne faut pas exclure non plus des recompositions qui leur soient favorables. C’est ce qui ressort d’une nouvelle étude de l’Institut Montaigne. « Il n’y aura pas un ensemble unique des nationaux-populistes, et les deux grandes familles pourraient continuer à connaître des divisions importantes », souligne l’un des rédacteurs de la note, le politologue Marc Lazar, professeur émérite à Sciences po et à l’université Luiss de Rome.Actuellement, le Rassemblement national de Marine Le Pen, en tête des sondages des européennes en France (environ 30 % d’intentions de votes), siège au groupe Identité et démocratie (ID, 59 eurodéputés), avec la Ligue italienne, les Allemands de l’AfD, les Autrichiens du FPÖ et les Flamands du Vlaams Belang. Ce groupe est considéré comme un peu plus radical que celui des Conservateurs et réformistes européens (CRE, 68 élus), qui compte, entre autres, Frères d’Italie, le mouvement postfasciste de Giorgia Meloni, les Polonais de Droit et Justice (PiS), les Espagnols de Vox et les Démocrates de Suède (au nom trompeur). On peut ajouter dans cette famille de pensée quelques mouvements actuellement non-inscrits comme les Hongrois du Fidesz.Sur le papier, ces mouvements partagent certaines idées fortes, susceptibles de les voir s’accorder. Tous réclament une « Alliance européenne des nations » qu’ils érigent en modèle alternatif à l’Union européenne, jugeant la Commission trop politique et le droit européen incompatible avec le principe de souveraineté nationale. Mais aucun ne serait prêt à sortir son pays de l’UE – tout du moins dans un premier temps – s’il se retrouvait au pouvoir. Tous jouent d’une certaine hostilité envers l’islam et prônent une politique de grande fermeté vis-à-vis de l’immigration. Tous rejettent également le « Pacte Vert » porté par les Vingt-Sept. »Arc des droites »Pour autant, note l’Institut Montaigne, « ces rapprochements dessinent les contours d’une vaste coalition des contre, plutôt qu’une très hypothétique majorité de projet ». Derrière une forme rhétorique « populiste » commune, certaines divergences de fond perdurent, accentuées par la guerre en Ukraine. Les membres du CRE, et en particulier le parti de Giorgia Meloni, se révèlent très atlantistes, tandis que le RN, qui a longtemps entretenu des liens avec Vladimir Poutine, n’exclut pas une sortie du commandement intégréde l’Otan. Au sein d’ID, si le RN et la Ligue ont voté le soutien à une hausse de la production de munitions et de missiles européens, l’AfD s’y est opposé. »La campagne révèle également une sorte de concurrence pour être la figure de référence des nationaux-populistes en Europe, entre Marine Le Pen et Giorgia Meloni », estime Marc Lazar. On aurait tort, selon celui-ci, de conclure que l’exercice du pouvoir aurait « converti à l’Europe » la dirigeante italienne. « Forte de bons résultats aux élections européennes, elle pourrait essayer de pousser son idée d’une Europe où les nations auraient plus de place, également défendue par Viktor Orban et Marine Le Pen, précise-t-il. Une partie de la droite du PPE [NDLR : Parti populaire européen, premier groupe au Parlement] pourrait essayer de chercher des accords avec les membres du CRE sur des thématiques communes concernant l’immigration ou le changement climatique. »Parmi les divers scénarios post-élections évoqués par l’Institut Montaigne, l’un prévoit un « arc des droites » si ID et les CRE acceptent de converger vers le PPE, en plus de groupes non-inscrits comme le Fidesz de Viktor Orban. Un succès des nationaux-populistes au détriment du PPE pourrait pousser certains élus de droite à se montrer plus ouvert au dialogue. Or, comme l’a constaté l’institut Montaigne, ID a manifesté son « son souhait de rompre le cordon sanitaire afin de pouvoir coopérer avec d’autres groupes, notamment en nommant des députés considérés comme plus respectables et, de ce fait, capables d’infléchir le train législatif, en commission comme en plénière. » »Il y a là une nuance entre Marine Le Pen et Jordan Bardella, qui semble plus intéressé par la recherche de points de convergence avec Meloni, dont l’expérience de rassemblement de la droite en Italie peut apparaître comme un modèle », pointe Marc Lazar. Reste à savoir si cette volonté de peser, une fois le verdict des élections rendu, pourra s’affranchir de certaines divergences de fond.



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Author : Clément Daniez

Publish date : 2024-04-25 05:30:00

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