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Gabriel Attal, cent jours à Matignon : la fin de l’état de grâce


Matignon n’épargne personne, pas même ceux qu’on a présentés comme les meilleurs de leur génération, les “talents précoces” comme l’on a longtemps dit au sujet de Gabriel Attal. Ce jeudi 18 avril, le plus jeune Premier ministre de la Ve République passe un cap, celui des cent jours. Trois mois dans le fauteuil doré de la rue de Varenne où il était censé, lui l’audacieux pari du remaniement d’Emmanuel Macron, redonner du carburant à ce second quinquennat déjà à la peine et déboussolé. La politique est ingrate, injuste, acariâtre. Ceux qui chantaient ses louanges hier, font la moue aujourd’hui, ou n’hésitent plus à dégainer la critique. Comme cette ministre, qui l’éloigne du bal des prétendants qui aimeraient succéder au chef de l’État en 2027 : “Il n’est pas au niveau d’Édouard Philippe, de Bruno Le Maire ou de Gérald Darmanin. On ne le perçoit pas de la même manière.”

Trois mois de service, et un bail toujours aussi précaire. Le président de la République, après l’avoir nommé, réclamait “de l’audace, de l’action, de l’efficacité”. Cent jours, mission impossible. L’efficacité ? À la peine. Gabriel Attal devait être “l’arme anti-Bardella” à l’aube des européennes mais le candidat du Rassemblement national n’a jamais cessé de caracoler en tête des intentions de votes dans les sondages, loin, très loin, devant Valérie Hayer, la candidate Renaissance. “Vous l’avez vu dans la campagne, vous ?” feint de s’interroger un membre du gouvernement, qui se fait l’écho des proches de Hayer se plaignant de ne pouvoir compter sur le soutien sans faille du Premier ministre qui n’a fait qu’un déplacement en mars avec la tête de liste. “L’agence de notation d’Emmanuel Macron sur Gabriel Attal sera le résultat des élections européennes, prévient un proche du chef de l’État. Il juge acceptable si Renaissance est à 23 % et que le RN est contenu en dessous des 30. Sinon, ce sera considéré comme un échec.” Et puisque l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, Emmanuel Macron a bien prévu de s’engager dans la campagne, et pas qu’un peu avec un “grand discours sur l’Europe” prévu d’ici fin avril, un “Sorbonne II”.

“Ce que j’incarne, c’est l’autorité”

On a aperçu Gabriel Attal s’envoler au Canada, tenir la dragée haute aux députés dans le nouveau format des questions au gouvernement : un seul en scène face aux parlementaires de la chambre basse. Les européennes ne sont décidément pas sa préoccupation. Faut-il sérieusement qu’il soit l’affiche de la campagne, comme certains l’ont demandé ? Les Français, paraît-il, l’attendent plus dans ses fonctions de Premier ministre que dans celui de chef d’une majorité. Et le scrutin, c’est en juin, c’est si loin. Qui a la tête à ça ? Faire l’inverse, ce serait un cadeau offert à Jordan Bardella. “On rame un peu quand même”, grogne un membre du gouvernement qui trouve “que la campagne démarre trop tard” alors que d’autres dynamiques – celle de Raphaël Glucksmann, notamment, qui inquiète – s’installent. Et notre ministre de s’en remettre à Emmanuel Macron : “J’espère qu’il va relancer la campagne.”

Gabriel Attal a d’autres chats à fouetter, ceux qu’il a identifiés depuis un moment, qu’il estime prioritaires. Le gouvernement de sa prédécesseuse, Élisabeth Borne, avait échoué à incarner une réponse claire aux émeutes qui avaient suivi la mort du jeune Naël, tué par un policier. Lui, à l’inverse, n’a-t-il pas vu sa popularité gonfler pendant ses six mois à l’Éducation nationale, et notamment lorsqu’il a interdit l’abaya ? “Ce que j’incarne, c’est l’autorité, le devoir et la réponse au délitement de la société”, tel est le mantra de Gabriel Attal à Matignon qui se rend, ce jeudi 18, à Viry-Châtillon, ville de l’Essonne encore sous le choc après la mort du jeune Shemseddine, roué de coup près de son collègue. Un déplacement sous le sceau de “l’autorité” et une interview le soir même, sur BFMTV. Un déplacement, une annonce… La “marque Attal”, c’est celle-ci mais elle ne convainc guère la majorité. “La politique, c’est du temps long. Il ne faut pas s’intoxiquer au court terme et rentrer en concurrence avec les populistes sur le yakafokon”, prévient un député de l’aile gauche.

Et après ?

À Viry-Châtillon, il parlera de justice mais aussi de l’école, et de son rôle. Le Premier ministre compte beaucoup sur le texte de loi sur la délinquance des mineurs, mené par le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti et prévu d’ici à la rentrée. Gabriel Attal, l’hyper Premier ministre, voit plus loin qu’à cent jours, qu’à six mois… Personne n’en doute.

Mais il a lié son destin à celui d’Emmanuel Macron. Et si ce dernier ne peut constitutionnellement pas se représenter, le bilan du quinquennat sera celui d’Attal ou de tout autre successeur qui se présentera sur la ligne de départ de l’élection présidentielle de 2027. L’aventure solitaire est une stratégie qui avait réussi à Macron en 2017 mais qu’aucun macroniste ne pourra plagier en 2027. Et ces mots d’un ministre : “Gabriel sait qu’on vit ensemble, mais il oublie qu’on meurt ensemble aussi.”




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